Adopter une posture de facilitation pour favoriser l’engagement apprenant

Publié le 24/02/2025
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Ce podcast explore l’importance cruciale de la posture du formateur pour l’engagement des apprenants. Face à l’essor de l’IA en formation, le formateur doit évoluer d’un rôle de transmetteur de savoir vers celui de facilitateur, en se concentrant sur l’humain et le relationnel. L’IA peut automatiser la création de contenu, libérant ainsi du temps pour le formateur afin qu’il se concentre sur la motivation, la confiance et l’accompagnement des apprenants.

Points clés abordés:

  • L’importance de la posture du formateur: L’engagement des apprenants est fortement influencé par la posture du formateur. Sept comportements clés ont été identifiés pour favoriser cet engagement : prendre la perspective de l’apprenant, nourrir ses intérêts, offrir des choix, démontrer l’utilité de la formation, accepter les émotions, utiliser un vocabulaire capacitant et faire preuve de patience.
  • Le rôle de l’IA: L’IA peut automatiser la création de contenu et la conception d’activités pédagogiques, permettant au formateur de se concentrer sur l’aspect humain de la formation : comprendre les motivations des apprenants, renforcer leur confiance, et les accompagner dans leur parcours d’apprentissage.
  • L’équilibre entre expertise et facilitation: Le formateur de demain doit trouver un équilibre entre son expertise et sa capacité à faciliter l’apprentissage. Il doit guider l’apprenant tout en lui laissant l’espace nécessaire pour explorer et construire ses propres connaissances.
  • L’importance du collectif: L’apprentissage collaboratif et l’effet de groupe sont des leviers importants pour l’engagement des apprenants. Intégrer des activités collaboratives dans les formations permet de renforcer la motivation et la persévérance.
  • La nécessité d’un écosystème de soutien: Le formateur ne peut pas tout faire seul. Un écosystème de soutien, incluant des ressources pour l’accès à la culture, aux soins, et à l’accompagnement social, peut être nécessaire pour lever les freins à l’apprentissage, notamment pour les publics en difficulté.
  • L’apprenance et la motivation: Comprendre le rapport de l’apprenant à l’apprentissage (son « apprenance ») et ses motivations est essentiel pour adapter la formation et favoriser son engagement. Identifier les motifs d’engagement (promotion, évitement de sanctions, etc.) permet d’activer les bons leviers au bon moment.
  • La pleine présence: La pleine présence du formateur, en laissant de côté ses automatismes et ses croyances, peut également contribuer à l’engagement des apprenants. L’écoute active, la patience et l’acceptation des émotions sont des manifestations de cette pleine présence.

L’avenir de la formation repose sur la capacité du formateur à évoluer vers une posture alliant expertise et facilitation. L’IA offre des opportunités pour automatiser certaines tâches et libérer du temps pour se concentrer sur l’humain. L’enjeu est de replacer l’humain au centre de la formation, en comprenant les besoins des apprenants, en favorisant leur autonomie et en créant un environnement d’apprentissage engageant et stimulant.

Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d’informations.

— Nicolas LOZANCIC
Bonjour, je suis Nicolas LOZANCIC.

— Anne-Marie CUNIER
Bonjour, je suis Anne-Marie CUNIER.

— Clément CAHAGNE
Bonjour, moi c’est Clément CAHAGNE.

— Laurie MÉZARD
Bonjour, je suis Laurie MÉZARD.

— Olivier BERNARD
Bonjour, je m’appelle Olivier BERNARD.

— Laëtitia FILLE-SAINTE-MARIE
Bonjour, je suis Laëtitia FILLE-SAINTE-MARIE.

— Nicolas ROLAND
Bonjour, je m’appelle Nicolas ROLAND. Toutes les voix que vous venez d’entendre, ce sont celles des podcasteuses et podcasteurs qui se sont relayées durant le Learning Show 2024 pour vous le faire vivre de l’intérieur. Sous la forme de discussions sans filtre et dans la bonne humeur, vous allez découvrir dans cette série de 8 épisodes les thématiques, les questionnements et les interventions qui ont fait ce Learning Show 2024. Bonne écoute et si le cœur vous en dit, on se retrouve l’année prochaine à Rennes pour le Learning Show 2025.

— Nicolas LOZANCIC
On est installé, c’est parti, c’est le troisième épisode du premier jour du Learning Show. On change de duo d’animateurs pour cet épisode, puisque après Nicolas Roland pour le tout premier, Clément Cagne et Olivier Bernard pour le second, j’ai le plaisir de revenir, Nicolas LOZANCIC, pour ce nouvel épisode pour lequel on va accueillir deux invités qui sont évidemment présents sur l’événement aussi bien pour participer à des ateliers que pour en animer et pas seulement un, plusieurs, c’est ce qu’on va découvrir au moment des présentations. Et pour accueillir et tirer les verres du nez, si je peux me permettre l’expression, à nos invités, j’ai le plaisir, immense plaisir d’être accompagné par…

— Laurie MÉZARD
Laurie MÉZARD.

— Nicolas LOZANCIC
Laurie, à toi de jouer.

— Laurie MÉZARD
Merci Nicolas. Donc moi je suis conceptrice pédagogique et ayant une forte appétence pour l’expérience apprenante, je suis ravie d’accueillir aujourd’hui Raphaël GRASSET et Catherine MOUGIN pour nous parler de l’engagement en formation. Raphaël, Catherine, est-ce que vous pouvez nous donner des petites billes sur votre atelier et quel message vous essayez de faire passer dans cet atelier ?

— Raphaël GRASSET
Oui bien sûr. Alors l’atelier qu’on a préparé pour demain matin et demain après-midi, on le fait deux fois, c’est un atelier autour d’un article scientifique en fait, qui est une méta-review d’une cinquantaine d’articles différents, qui rapporte comment certains comportements des formateurs peuvent influencer positivement l’engagement, mais aussi l’autonomie, l’apprentissage, le transfert des apprentissages auprès des apprenants. Et c’est quelque chose qui marche à la fois sur des formateurs professionnels, mais aussi des enseignants, des coachs sportifs, des managers. C’est une étude qui a été menée auprès de plus de 30 000 personnes, de 30 000 apprenants, 2 000 formateurs dans plus de 15 pays différents. Et donc c’est très multiculturel, ça passe dans tous les secteurs et toutes les conditions. Et donc on s’est basé là-dessus pour parler de l’engagement d’un point de vue plutôt scientifique. Et donc voilà, cette année j’ai lancé une recherche sur la posture de formateur. qui nous a permis de créer un test et on va l’utiliser demain pour explorer le profil des formateurs, voir quels sont ces comportements qui sont intéressants et puis explorer un peu de manière plus pratique comment est-ce qu’on peut les mettre en place.

— Laurie MÉZARD
Et du coup, comment on teste la posture ?

— Raphaël GRASSET
Comment on teste la posture ? Alors ça a été tout un travail de créer ce questionnaire psychométrique. J’avais créé un questionnaire qui a été distribué à plus de 1400 personnes, 1400 formateurs. et on a obtenu plus de 1200 réponses valables sur lesquelles on a appliqué des modèles statistiques pour avoir quelque chose qui tient la route scientifiquement. Et donc aujourd’hui, on a un test qui dure trois minutes et qui analyse cette dimension, ce comportement qui favorise l’engagement, encore une fois, des apprenants.

— Laurie MÉZARD
Est-ce que vous pouvez nous spoiler un peu ? C’est quoi ces facteurs ?

— Catherine MOUGIN
Alors, je ne vais pas parler des facteurs en tant que tels, mais je vais parler d’histoire, moi. Pourquoi on en est arrivé là aujourd’hui et demain, surtout à l’atelier, puisqu’on a déjà fait un travail au préalable, il y a un peu plus d’un an, un an et demi maintenant, sur l’engagement en formation. Et là, on est parti du niveau très macro. On a essayé de réfléchir et de se questionner auprès des OF, des directeurs, des responsables d’organiser la formation, des financeurs aussi. Et on n’est pas allé sur les formateurs justement à l’époque pour voir quels étaient les différents déterminants à l’engagement. On en a sorti neuf. Et dans ce cadre-là, on s’est rendu compte que finalement, peut-être le plus important, en tout cas le plus impactant, c’était le formateur. Et c’était entre guillemets la pédagogie, bien sûr, mais ça était découlé de sa posture en tant que telle. Et aujourd’hui, quand on y réfléchit, quand on parle aux gens, aux apprenants ou même aux formateurs et qu’ils nous racontent un peu leur histoire avec l’école en particulier, on se rend compte que finalement, le problème, ce n’était pas l’école en tant que telle, c’était l’enseignant, l’instituteur qu’on a eu. Et après la relation dans la salle de classe, mais qui était quand même très figée autour de l’instit du maître d’école. Du coup, à partir de ça, on s’est dit finalement, il y a quand même quelque chose à faire. Et que la roulette, elle se joue plutôt sur le formateur qui va par la suite créer l’engagement auprès des apprenants, l’envie d’aller jusqu’au bout. Et cette envie-là, elle est humaine. Ce n’est pas les technos, ce n’est pas la péda au sens large, ce n’est pas le cadre légal qui va nous le permettre. C’est vraiment l’Homme. le formateur, le coach, etc., le manager, le côté humain. Et c’est là-dessus qu’on va travailler demain avec ce test, mais pas que, puisque l’idée, c’est quand même, on est en format atelier, en learning show, donc l’objectif, c’est quand même que toutes les personnes qui vont être dans notre salle, qui sont des ingénieurs PEDA, des concepteurs, des formateurs, réfléchissent eux-mêmes à leur pratique et à leur posture, et au-delà de ça, arrivent à trouver un espèce de consensus, d’équilibre entre ce qui est facile à faire, où il y a un intérêt en termes d’action, d’engagement, et ce qui est plutôt difficile et plutôt inutile pour pouvoir engager ses apprenants.

— Laurie MÉZARD
La posture, ça renvoie quand même beaucoup à notre manière d’être au monde. Donc, comment ils accueillent les formateurs ? Le fait qu’on leur dise, en fait, c’est votre manière d’être au monde qu’il faut changer pour engager les apprenants ?

— Catherine MOUGIN
Alors, on ne le dit pas exactement comme ça, sinon je pense qu’ils ne nous aiment plus. En tout cas, l’idée, c’est pour moi, non pas dire, vous êtes comme ça et c’est comme ça. C’est qu’est-ce qu’il faudrait faire pour vous améliorer, pour vous performer, pour être peut-être plus à l’aise aussi avec le monde de demain, avec ce que vous viviez aujourd’hui. Donc l’idée, c’est vraiment de se dire, OK, ils vont prendre conscience que parfois, leur posture n’est peut-être pas forcément adéquate, mais surtout trouver des outils, des actions, des façons de faire des choses. Et le fait d’échanger demain, justement, sous forme d’équipe, sous forme de jeu, c’est aussi se rendre compte que, ben oui, moi, j’ai cette vision-là du monde, mais la personne qui est en face de moi, qui fait le même métier que moi, elle n’a pas du tout cette vision-là. Et le fait de devoir échanger et d’avoir cette obligation de trouver l’équilibre, le consensus dans le groupe, va leur aider justement à avoir une vision un peu plus 360 de la posture.

— Raphaël GRASSET
Alors justement, j’ai envie de rebondir parce que quand on parle de perspective, et tout à l’heure, Laurie, tu demandais quels étaient ces sept comportements, changer de perspective, prendre la perspective de l’apprenant, c’est vraiment le premier de ces sept facteurs. C’est se mettre à la place de l’autre pour envisager quelle est la vision de la proposition pédagogique qui est faite. Donc ça, c’est vraiment le premier comportement, faire l’effort de comprendre ce qui vit. Et ensuite, il y a six autres comportements qui se répartissent en deux familles. La première, c’est pour supporter la motivation intrinsèque, donc c’est les plus hauts niveaux de motivation. On va avoir l’idée de nourrir les intérêts, donc c’est faire des liens avec les intérêts de la personne, lui montrer quels sont les côtés pratiques de ce qui peut être mis en application par rapport à ce que lui, il vit. Et le deuxième, pour nourrir la motivation, c’est d’offrir des choix. Alors offrir des choix, ce n’est pas juste proposer une couleur de post-it, c’est offrir des choix qui font sens pour l’apprenant et qui l’amènent à réfléchir. En fait, un bon choix, c’est un choix qui met la personne en posture de réflexivité. Pour que ça se passe bien, il faut par contre qu’il ait toutes les informations pour faire le choix. Donc ça, nourrir les intérêts et offrir des choix, c’est vraiment ce qui va supporter la motivation intrinsèque. Et ensuite, on va supporter ce qu’on appelle l’internalisation. Donc c’est comment est-ce qu’on va s’approprier des comportements qu’on aurait pu voir chez quelqu’un d’autre, et en particulier chez un formateur. Et donc ça, il y a quatre autres facteurs qui sont démontrés l’utilité. Donc ça, c’est vraiment, monsieur, à quoi ça sert le théorème de Pythagore ? C’est la question qu’on a en cinquième. Et en fait, c’est quelque chose qui nous reste. Je pense que si vous vous écoutez, vous vous posez la question aujourd’hui, vous vous demandez encore parfois à quoi ça sert d’avoir appris ça ou autre. Et donc, le formateur, là, c’est vraiment donner des cas concrets, donner des cas pratiques. Et en même temps, les cas qu’il doit donner, l’utilité qu’il doit démontrer, ce n’est pas par rapport à son point de vue. Encore une fois, c’est en changeant de perspective, c’est en se positionnant du point de vue de l’apprenant. Pourquoi c’est utile du point de vue de l’apprenant ? Et ça, ça demande un travail supplémentaire. Le deuxième facteur pour supporter l’internationalisation, c’est accepter les émotions. Donc reconnaître que la proposition pédagogique ne va pas forcément dans le sens de l’apprenant et que ça peut susciter des émotions négatives. Ça ne veut pas dire forcément en faire quelque chose, mais c’est les reconnaître et les accepter. Le troisième point, c’est d’utiliser un vocabulaire agentif. C’est quelque chose qui va supporter l’apprenant, plutôt que de l’enfermer dans une injonction. Et aussi de faire attention au ton qu’on va utiliser. Souvent, on passe plus de messages avec le ton de sa voix que les mots qu’on utilise. Et le dernier point, c’est faire preuve de patience. Ce n’est pas forcément mon fort en tant que formateur. Je sais que j’ai des progrès à faire aussi. C’est garder en tête l’importance qu’on accorde au fait que l’apprenant soit acteur de son apprentissage et découvre les clés par lui-même. Et parfois ça prend du temps, et parfois on n’a pas le temps parce qu’on a un programme à gérer, et c’est un peu difficile. Voilà, donc c’est sept facteurs, je vais juste les répéter. Donc prendre la perspective de l’apprenant, le facteur général. Ensuite, pour supporter la motivation, nourrir les intérêts et offrir des choix. Et pour supporter l’internalisation, démontrer l’utilité, accepter les émotions, utiliser un vocabulaire capacitant, agentif, et faire preuve de patience. Alors c’est des choses qui peuvent paraître assez basiques, mais qui en réalité ne sont pas forcément simples à mettre en place de manière positive et constante, pérenne, quand on est en activité de formation, qu’on s’est levé à 7h du matin, qu’on a déchargé un camion, et qu’on est fatigué comme Nicolas aujourd’hui.

— Laurie MÉZARD
Et donc, tous ces facteurs-là, j’entendais Catherine tout à l’heure qui disait que ce n’est pas une question de pédagogie, c’est vraiment une question de posture et de manière de faire face aux apprenants. Est-ce qu’il n’y a pas quand même une partie dans ce que tu as dit qui est de l’ingénierie, qui est à faire en amont de la formation et qui n’est pas juste à faire une fois qu’on est devant les apprenants ?

— Raphaël GRASSET
Oui, complètement. En particulier, je pense à démontrer l’utilité. C’est un travail en amont peut-être de recherche de cas pratiques et autres. Et le coup de monsieur, ça va nous servir à quoi ? Il faut le préparer un petit peu en avant parce que c’est vrai que sur le moment, parfois, on est un peu à sec et c’est là où justement, il faut démontrer l’utilité.

— Catherine MOUGIN
Ce n’est pas que, en fait. L’idée, c’est de se dire qu’on ne va pas siloter les éléments en se disant que si ma pédagogie est bonne, ça roulera tout seul. Ce n’est pas parce que la posture est bonne, mais qu’il n’y a rien d’autre, ça roulera tout seul. L’idée, c’est de faire du lien et avoir une corrélation dans tout ça et prendre en compte à la fois la pédagogie, à la fois l’organisation, à la fois la stratégie, l’organisme ou de l’État sur des éléments. Quand on veut monter en compétence des personnes d’un domaine à un autre. parce qu’effectivement, on se dit que la filière automobile, ça ne va plus, il faut qu’il passe à autre chose, il faut former tous ces gens-là. Ce n’est pas que la volonté politique, ce n’est pas que de la pédagogie, c’est vraiment l’ensemble de tout. Pour moi, c’est quatre axes qui sont complètement liés et qu’on ne peut absolument pas décorréler. En fait, c’est plutôt comme ça que je le vois, en tout cas.

— Laurie MÉZARD
Oui, c’est un fusée de la stratégie à ce qui se passe en salle de formation.

— Catherine MOUGIN
Voilà, tout à fait. Pour moi, c’est la stratégie, c’est l’organisation, tout ce qui est organisationnel avec les OF, les CFA, les universités. les universités d’entreprise et les universités. Ça va sur la pédagogie et la technologie, puisque aujourd’hui, la multimodalité n’est plus approuvée, entre guillemets, ça fait partie. C’est tout un combo. Il faut jouer. L’engagement, il va se jouer sur des freins, sur l’ensemble, des leviers sur l’ensemble, etc.

— Laurie MÉZARD
Justement, tout à l’heure, on disait, les formateurs, on ne leur dit pas d’entrer le jeu. Non, votre posture, elle est quand même un peu pourrie, il va falloir revoir tout ça. Donc on a adressé peut-être la potentielle résistance des formateurs, mais au niveau de l’organisation et du politique, est-ce qu’on entend cette responsabilité du formateur et ce besoin de gérer les émotions ? Est-ce que ce discours-là, il est entendu ?

— Catherine MOUGIN
Pas suffisamment à mon avis, mais en tout cas, c’est quelque chose qui est de plus en plus compris. Je fais le lien écho avec le travail qu’on a fait dans le cadre du groupe de travail ENOA, l’enseignement FFFOD, justement sur l’engagement. On était tout un groupe, on était à peu près une quinzaine à réfléchir sur l’engagement en formation dans le cadre de la multimodalité. On s’est rendu compte que les freins, les causes, les leviers, finalement, quel que soit notre rôle dans ce monde, dans cet univers de la formation, finalement, on se retrouvait toujours sur des éléments marquants et complémentaires. Et en réfléchissant, on s’est dit, oui, alors, OK, il y a la stratégie au niveau très macro, l’État, les régions qui financent, etc. Mais il y a aussi toute la stratégie. internes, aux universités, aux entreprises, aux OF. Et cette partie-là, on commence là aujourd’hui, alors quatre ans après le Covid, à se rendre compte que finalement, beaucoup de choses sont basées sur le formateur. On lui laisse faire un peu comme il peut ou comme il veut, qu’il n’y a pas forcément la stratégie, n’est pas vraiment là, ou en tout cas, elle n’est pas démontrée, elle n’est pas analysée, elle n’est pas relayée, elle n’est pas communiquée. Et ça, ça tend à évoluer. On se rend compte quand même que les organismes de formation en particulier ou les CFA commencent à bien réfléchir à ça. C’est-à-dire à prendre en compte cette posture de formateur et à se dire que ça va au-delà que de mettre à disposition un zoom ou un klaxon. C’est beaucoup plus complexe, mais ça commence seulement. De ce que j’entends, moi, en tout cas, sur le terrain.

— Raphaël GRASSET
Et là, on parle du haut de la chaîne. Tu posais la question sur le côté direction, etc. Mais même le bas de la chaîne, c’est-à-dire l’apprenant. Moi, je vais juste vous raconter un petit exemple que j’ai eu. J’enseigne dans un master de Learning Science à la fac, parce que c’est un master pour des étudiants étrangers, donc on le fait tout en anglais. Et j’avais des étudiants américains, par exemple, qui n’étaient pas prêts par rapport à une approche de facilitation que j’avais dans mes cours. C’est-à-dire que je leur demandais, par exemple, de préparer un exposé ou une activité pédagogique qui permettait d’exemplarifier une approche de théorie de l’éducation. Et en fait, ils me disaient, mais il est où le textbook ? Ils sont où les supports de cours ? Et en fait, ils étaient perdus sans ça. C’est-à-dire que même les apprenants, parfois, ne sont pas prêts non plus à changer le comportement du formateur.

— Nicolas LOZANCIC
C’est la vision qu’ils ont.

— Raphaël GRASSET
En fait, c’est même à la Rome ancienne. Pourquoi il y a 20 élèves dans une classe ? C’est parce que c’était le nombre, le tarif journalier qui permettait à un formateur de vivre. Et c’est pour ça que ça fait 2000 ans qu’on a des classes de 20-30 personnes. C’est ce qui permettait de nourrir un formateur il y a 2500 ans à Rome. Et donc en fait, c’est quelque chose d’assez systémique. Et ce n’est pas que le formateur, ce n’est pas que le directeur pédagogique et le politique, c’est aussi l’apprenant qu’il faut faire évoluer.

— Laurie MÉZARD
C’est quoi sa responsabilité du coup à l’apprenant ?

— Raphaël GRASSET
Ah ben ça justement, c’est d’apprendre. Non mais l’apprenant, souvent on se plaint que les apprenants soient dans une posture un peu passive. Ça dépend des apprenants. Encore une fois, je vais vous donner deux exemples. Quand on a fait l’étude avec Catherine sur les facteurs d’engagement en formation dans les Hauts-de-France, on nous a rapporté quelqu’un qui allait à un organisme de formation, il allait en formation à un kilomètre de chez lui, et il prenait le bus pour y aller. Et un jour, il y a eu une grève de bus. il n’est pas venu, à un kilomètre. Et un autre exemple, c’est dans une masterclass de facilitateur d’apprenance qu’on donne avec Catherine pour aider les formateurs à grandir dans leur posture de facilitateur. On a un stagiaire qui a fini à l’hôpital un week-end, il a eu un accident, il a fini à l’hôpital, et le lundi matin, il s’est connecté en visio depuis son lit d’hôpital pour participer à la visio. Donc c’est ça, là, on sait deux exemples. vous donne les deux opposés de ce que c’est que l’engagement chez les apprenants quoi et donc en fait c’est comment tu comment tu trouves les raisons les intérêts la motivation pour justement t’engager dans ta formation

— Laurie MÉZARD
Et ça vous pensez que c’est vraiment intrinsèque c’est là où c’est pas là où est ce que le formateur peut faire quelque chose dans son design pédagogique pour encourager ça

— Catherine MOUGIN
C’est la question à 10 mille dollars mais les deux il y a une partie intrinsèque forcément on vient au théorie de la motivation mais il y a aussi dans la façon dont il va amener son contenu de formation, la pédagogie, la conception derrière, elle va forcément avoir un intérêt. S’il fait des activités qui ne demandent plus de la réflexion, ne serait-ce que ça, s’il fait réfléchir les apprenants qu’il a en face de lui et qu’il y a un minimum de motivation intrinsèque, ça va matcher. S’il est dans quelque chose de très magistral, très descendant, sans se poser la question de l’intérêt, du sens qu’il donne à tout ça. Quelqu’un de très motivé prendra ses notes, il va réfléchir par lui-même, mais ça ne sera pas la majorité des cas. En tout cas, il en loupera un bout, ça c’est sûr. Donc les deux sont liés, il faut trouver le juste équilibre en tout cas que ça matche. C’est un peu le Tinder de la formation en fait.

— Raphaël GRASSET
Après c’est toujours dur de développer, enfin c’est difficile de développer la motivation intrinsèque d’un individu. C’est-à-dire que dans les théories de l’autodétermination, il y a plusieurs niveaux de motivation. Au plus haut niveau, on a la motivation intrinsèque, donc c’est le plaisir d’apprendre parce qu’on aime ça en fait. Et au plus bas niveau, on a la motivation, avec un A privatif, c’est quand on a une absence de motivation totale. Et puis entre les deux, on a ce qu’on appelle la motivation extrinsèque. Et là, il y a différents niveaux. Ça peut être pour obtenir des avantages, pour éviter quelque chose de négatif, comme par exemple une punition. Obtenir des avantages, par exemple, c’est obtenir une promotion. On part en formation parce qu’on veut obtenir une promotion. Et éviter quelque chose, ça peut être parce qu’on peut éviter de perdre son travail. Voilà, ça peut être des choses comme ça. Et donc ces motivations-là, c’est important de les identifier avec l’apprenant, de pourquoi il fait les choses. Et d’ailleurs, si on reste un petit peu sur le côté théorique, c’est quoi l’engagement ? L’engagement, il y a deux phases, trois avec une phase du milieu. Il y a d’abord ce qu’on appelle la motivation. Et là, ce qui est important, c’est le motif. Donc pourquoi l’individu s’engage ? Et Philippe Carré avait listé à peu près neuf motifs d’engagement en formation professionnelle. Donc ça peut être intéressant de les avoir en tête pour justement voir avec l’apprenant pourquoi il est là, quelles sont ses vraies raisons. Et le deuxième point capital, c’est la confiance. La confiance que la personne a en elle-même de réussir. S’il n’y a pas le motif, s’il n’y a pas la confiance, il n’y a pas la décision de s’engager. Donc ça, c’est la phase motivation. Ensuite, il y a la décision de s’engager, c’est vraiment le moment où on passe dans l’engagement. Et ensuite, il y a la phase de volition. La phase de volition, c’est vraiment l’abonnement à la salle de sport. Je paye un abonnement, puis au bout de trois mois, c’est fini. En fait, c’est l’effort sur la durée. Et là, ce n’est pas les mêmes leviers. Là, ce qui est important, c’est tout ce qui va être lié aux stratégies. aux comportements qui vont être mis en place. Et donc déjà, il faut bien comprendre dans quelle phase est l’apprenant pour pouvoir jouer sur les bons leviers au bon moment. En tant que formateur, jouer sur les motifs et sur la confiance au tout début, avant l’entrée en formation, c’est compliqué. Après, si on est sur une formation longue à la fac ou autre, où on peut suivre l’apprenant, par exemple, on peut travailler sa confiance, etc. Mais pour la formation postuelle, où c’est quelqu’un qui vient à une formation, en tout cas qui est là. Il vient parce qu’il a voulu ou il vient parce qu’il a compris que c’était une obligation alors que c’était une invitation, ou alors c’est son directeur qui avait un budget formation à finir et qui lui a dit « tu pars en formation d’anglais » , ça on ne peut pas trop y faire grand-chose. Par contre, les comportements et les stratégies, ça le formateur, il peut influer là-dessus. Et c’est là où sa posture va vraiment avoir un impact. Et donc s’il apporte des comportements qui favorisent l’autonomie, ça va favoriser l’engagement. Parce que l’apprenant, il aura une plus grande résilience à maintenir son effort sur le long terme à ce moment-là.

— Catherine MOUGIN
Et un deuxième point par rapport à l’engagement sur le long terme, l’abolition, qui est primordiale en formation, c’est le collectif. C’est le fait d’être en groupe, de travailler ensemble. Et il y a l’effet de groupe, comme on a toujours eu, et le côté primate, on va dire, primaire de l’individu, qui fait qu’à un moment donné, le fait qu’on travaille avec les autres. On se dit on ne va pas lâcher le groupe, on va aller jusqu’au bout, on va faire le travail collectif qui est demandé. Donc en termes d’ingénierie, il faut aussi prévoir des activités collaboratives pour permettre justement de créer cet engagement, créer cette relation et cet apprentissage ensemble. Je vais encore citer Philippe Carré, on apprend toujours seul mais jamais sans les autres. C’est exactement ça et ça fait partie de l’engagement aussi de pouvoir se dire je peux me reposer sur mes pairs et il faut que j’avance avec eux et il faut que j’aille jusqu’au bout. Un peu comme les sports co, en fait. Clairement, c’est un peu la même idée en formation, avec un objectif à la fin, individuel et ou collectif.

— Laurie MÉZARD
Oui, puis si je me rappelle, le lien aux autres, c’est précisément un des facteurs de motivation intrinsèque. Donc, travailler le lien aux autres, ça aide aussi à travailler, à développer la motivation.

— Raphaël GRASSET
Oui, c’est un des trois facteurs des théories de l’autodétermination, avec la compétence et l’autonomie. C’est la socialisation, effectivement.

— Laurie MÉZARD
Est-ce que ça voudrait dire que si on veut que les formateurs arrivent mieux à engager leurs apprenants, il faudrait tous les envoyer en master de psycho ?

— Catherine MOUGIN
Non.

— Nicolas LOZANCIC
le coaching sportif. Si je reprends la remarque de Catherine, c’est un peu comme un coach sportif. C’est ce que je me suis dit tout à l’heure. C’est-à-dire qu’en fait, il faut être psychologue, avoir des connaissances sociaux, je ne sais quoi. Être coach, être mentaliste, etc.

— Raphaël GRASSET
Et puis parfois, c’est aussi assistante sociale. En fonction des situations des apprenants. Et c’est vrai que quand on a fait l’étude avec Catherine l’année dernière dans les Hauts-de-France, en interviewant des directeurs d’OF et tout, on s’est rendu compte qu’il y avait certains OF qui mettaient en place une cellule dédiée pour que justement le formateur garde son rôle de formateur. Il y avait un OF par exemple, ils avaient mis en place une cellule où il y avait une nana qui gérait l’accès à la culture, une personne qui gérait l’accès aux soins, tout ce qui était sanitaire, social, genre trouver une nounou, etc. pour lever les freins qui empêchaient les gens de venir sereinement en formation et de se concentrer là-dessus. Et il y avait 4 personnes dans cette cellule, qui étaient chacune dédiées à quelque chose, aussi à la littératie, à mieux parler français, etc. Et c’était vraiment une cellule de support. Et en fait, sur des publics en difficulté, là où il y a souvent de l’argent aujourd’hui, qui va s’atténuer un petit peu l’année prochaine. et bien c’est vrai qu’il peut y avoir ce besoin là parce que le formateur ne peut pas remplir tous les rôles et s’il veut être un bon formateur et qu’il doit se concentrer justement sur travailler sa posture de formateur, son expertise et sa capacité de facilitation, il ne peut pas non plus être assistante sociale en parallèle.

— Catherine MOUGIN
C’est très compliqué pour lui et en même temps l’important dans tout ça c’est de se dire qu’on ne peut pas le faire tout seul, on ne peut pas tout faire en tant que formateur, ce n’est pas notre rôle et puis on n’a pas la capacité de, mais de travailler en réseau. Et c’est vrai que ce travail qui avait été fait, donc il y avait une structure, un OF qui avait vraiment embauché des gens spécifiques pour des thématiques très précises, qui n’étaient pas liées du tout à la pédagogie ou à la formation, on était sur autre chose, mais une prise en compte 360 de l’individu, qui avait extrêmement bien marché. Et le deuxième exemple que je voulais donner, c’était le fait de travailler en réseau avec des partenaires. Donc avec la CAF par exemple, avec l’ANPA pour tout ce qui est addictologie, avec les impôts aussi, avec les bailleurs sociaux. Et ce réseau là, sur un même territoire, en fait, ça a été un élément, pour moi, déclenchant de ce qui était possible de faire et de la possibilité des apprenants d’aller jusqu’au bout d’une formation. Du coup, pour l’OF, d’être financé jusqu’au bout. Et c’est ça, le problème aussi pour les OF, c’est de se dire, à un moment donné, si l’apprenant, il ne va pas jusqu’au bout de sa formation, il n’a pas les finances derrière. Et que lui, il ne peut pas toujours jouer. C’est un jeu d’équilibre un peu clownesque de cette situation. Et là, le fait d’avoir mis en place tout ça, qui était comme un investissement au départ, a permis quand même d’avoir une certaine récompense financière pour l’OF, puis une grosse récompense, reconnaissance pour l’apprenant qui est allé jusqu’au bout et une certaine victoire. C’est-à-dire, on travaille sur la confiance, on parlait de la confiance. Ben ouais, j’ai réussi, j’ai eu mon diplôme, j’ai eu mon titre pro. Et derrière tout ça, c’est aussi déstresser sur le côté très français du diplôme. plein de personnes, c’est vrai qu’on en a eu, des apprenants, ils étaient très très bons tout au long de l’année sur leur parcours, mais ils n’allaient pas à l’examen à la fin parce qu’il y avait aussi cette angoisse de l’examen, de si je ne vais pas y arriver au dernier moment alors que c’était ok pour eux. Il y a aussi tout ce travail là à faire, j’ai envie de décortiquer tout ce qui s’est passé dans le passé de l’apprenant, surtout sur des publics qui étaient effectivement un petit peu en difficulté par rapport à l’école et à l’apprentissage. Et c’était tout un travail qui avait été fait par des OF, on a trouvé ça exemplaire,

— Raphaël GRASSET
C’est hyper important de diagnostiquer l’apprenant au début ou en amont de la formation, de comprendre son rapport à l’apprentissage, ce qu’on appelle entre autres l’apprenance. Souvent, c’est ce qu’on appelle des facteurs positifs envers l’acte d’apprendre, mais parfois, on a des brûlures d’apprenance. Il peut y avoir des brûlures thématiques, un peu. Il y a le film « Comment j’ai détesté les maths » , par exemple. Je reviens toujours à cet exemple-là, parce que c’est un peu un lieu commun, mais c’est vrai que ça existe. Mais il peut y avoir aussi d’autres brûlures. Et en fait, on est la somme de nos expériences. Moi, j’aime bien dire en général qu’on est un plat de lasagne. C’est-à-dire qu’on est des couches superposées d’expériences plus ou moins positives ou négatives qui font qu’on a chacun un goût particulier de l’apprendre. Et donc ça, c’est important de le mesurer, de savoir où on est la personne. Et encore une fois, tout à l’heure, on parlait des motifs aussi, de comprendre quels sont ces motifs, vraiment, mais de les creuser. Et nous, on utilise un outil dans lequel, à la fin, il y a un plan d’apprentissage. On demande à l’apprenant de rédiger, en reprenant le risque que tu disais tout à l’heure, les trois ressorts de socialisation, de compétence et d’autonomie. Qu’est-ce qui le motive ? Qu’est-ce qui fait qu’il va s’engager en formation ? Et ce plan, on peut le réutiliser par la suite pour justement lui rappeler. Quand ça devient un peu long, quand ça devient difficile, tu dis, voilà, tu es venu là pour ça, rappelle-toi. Et donc, tiens bon. Et après, il y a d’autres choses à faire que de dire tiens bon. N’oublie pas qui tu es.

— Catherine MOUGIN
Et nous, notre objectif, c’est déjà de faciliter ce travail pour le formateur. C’est de lui apporter, justement, à travers le test et puis des activités aussi, derrière, c’est de lui donner un peu un guide pratique des outils pour que ce travail, à lui, soit beaucoup plus facilité qu’il n’est pas, justement, à peut-être trop se prendre la tête avec tout ça. C’est un peu notre objectif, Raphaël et moi, sur la posture du formateur et l’engagement en formation.

— Laurie MÉZARD
Du coup, j’ai entendu tout à l’heure, il faut qu’il y ait tout un écosystème pour soutenir les différents besoins des apprenants. Là, j’entends qu’il y a un test qui permet aux formateurs d’avoir des pistes de changement de posture. Mais tout ça, c’est un peu vertigineux. Il y a plein d’acteurs, plein d’outils, plein de machins. un formateur qui commence, qui prend conscience qu’il faut qu’il change sa posture, mais qui sait pas par où commencer, qu’est-ce que vous lui dites ?

— Catherine MOUGIN
Viens nous voir.

— Raphaël GRASSET
Après, je vais être honnête, je sais pas si c’est des questionnements pour des formateurs qui débutent. Peut-être que c’est génial de commencer par ça pour dire qu’on assure une belle posture de formateur dès le début. mais il y a déjà beaucoup de choses à savoir en termes de compétences aussi à créer en tant que formateur. Et c’est peut-être un niveau 2, tu vois. Pour être transparent, nous, la masterclass qu’on donne, on ne prend des gens qu’à partir de 3 à 5 ans d’expérience de formateur.

— Nicolas LOZANCIC
Tu veux dire que dans le plat de lasagne, il faut d’abord qu’il y ait une partie qui est un peu moisie,

— Catherine MOUGIN
Il faut du gras.

— Raphaël GRASSET
Le plat de lasagne, c’est plus pour l’apprenant, en fait. Parce qu’en fait, l’idée de de la masterclass sur laquelle on travaille, c’est le modèle de l’apprenant et le modèle du formateur. C’est le modèle d’analyse de l’apprenant. Donc c’est savoir très rapidement qui j’ai en face de moi, selon différents facteurs qu’on évalue, des facteurs justement de disposition, mon rapport à l’apprentissage, des facteurs d’action. Moi j’ai différencié pro-action et réaction. Pro-action c’est vraiment tout ce qui est lié à l’autodétermination des apprentissages, comment je vais en amont mettre en place des choses pour favoriser mes apprentissages. Et réaction c’est plutôt les stratégies de coping, quand ça va mal, quand ça devient difficile, comment est-ce que je réagis. Ça c’est bien de le savoir pour anticiper. Et le dernier, c’est l’environnement, la situation, est-ce qu’elle est plutôt capacitante ? Est-ce qu’elle va m’aider ? Ou est-ce qu’elle va plutôt me mettre des bâtons dans les roues ? Donc ça, c’est le modèle de l’apprenant. Donc on apprend à lire des apprenants, à savoir qui on a en face de soi. Et ensuite, il y a le modèle d’action du formateur. Et là, c’est comment on fait évoluer sa méthodologie, comment on fait évoluer sa posture. Et donc le travail de la posture, ça rentre dans ce modèle du formateur qui va s’adapter à qui il a en face de lui pour trouver un équilibre entre une posture de formateur expert, et on ne renie pas l’expertise, c’est hyper important, et formateur plutôt facilitateur. En fait, c’est un peu la posture vers laquelle on va aujourd’hui, à la fois parce qu’il y a une évolution sociétale qui veut ça, et puis aussi avec l’arrivée des IA qui impactent beaucoup la valeur ajoutée du formateur. S’il est juste là pour balancer un cours et délivrer du contenu qui est sur un PowerPoint, ça ne va pas apporter grand-chose. Donc, il faut qu’il apporte autre chose et c’est là où, justement, il garde de la valeur en changeant de titre.

— Laurie MÉZARD
Et du coup, d’un point de vue stratégique, ce que tu es en train de dire, c’est qu’il vaut mieux, enfin ça ne sert à rien d’aller essayer de tout apprendre en même temps, tout faire en même temps, tout se transformer en même temps, qu’il faut partir de situations concrètes avec les apprenants, réagir par rapport aux apprenants qu’on a en face de nous, et petit à petit élargir sa transformation de posture.

— Raphaël GRASSET
Oui.

— Catherine MOUGIN
ça peut prendre du temps. Oui, si ça l’apprend, ça fait du temps.

— Raphaël GRASSET
Encore une fois, les sept comportements qu’on a cités tout à l’heure, ils paraissent simples. Alors, ils sont simples. Mais en fait, quand tu dois les mettre tous en place ensemble, que tu dois gérer ta progression, que tu dois gérer ton temps et tout en même temps, c’est pas si simple. Il faut déjà être à l’aise avec le reste pour pouvoir ensuite travailler. Après, il y a des gens, ils ont ça naturellement. Certains points plus naturels que d’autres. Encore une fois, moi, la patience, c’est pas mon fort. Je sais que j’aurai jamais 5 sur 5 en patience. Mais j’ai d’autres points forts. Donc après, c’est vrai qu’on a une approche avec Catherine un peu psychologie positive là-dessus. C’est-à-dire, OK, on a des trucs à travailler, mais il y a aussi des choses sur lesquelles on peut s’appuyer.

— Laurie MÉZARD
Donc on part du concret, de ce qu’on arrive à faire et on étend tout doucement la complexité et son niveau de compétence.

— Catherine MOUGIN
C’est comme la formation, on coupe l’éléphant par petits bouts, on le mange par petits bouts pour se rendre compte qu’on a mangé à la fin de l’année un éléphant. C’est exactement le même principe. L’ingénierie c’est ça, c’est le découpage, il y aller par petits morceaux. Et là on est sur exactement le même principe. Et ce qui est intéressant dans ce qu’on met en place, en particulier ce que fait Raphaël avec les tests psychométriques, parce que c’est lui qui développe ça. C’est aussi cette possibilité qu’on a de proposer ça à tout un chacun. C’est à dire que pour moi c’est pas que dans le cadre de la formation, loin de là. Au contraire, pour l’avoir testé auprès de mon cabinet comptable, qui n’a rien à voir, et bien en fait juste la prise de conscience de comment ils apprennent et comment ils fonctionnent, comment ils pensent, juste d’aller sur la métacognition avec le test, c’était déjà la moitié du chemin. Et en fait ça, moi je me suis dit, au delà de la formation, de tout ce qu’on peut apporter, alors c’était des jeunes, globalement entre 20 et 27 ans, C’est aussi de se dire qu’à un moment donné, voilà ce sur quoi je suis bon. Et j’ai effectivement des leviers. Je peux aller encore plus performer. Mais en tout cas, là-dessus, je peux m’appuyer sur ces éléments là. Là où j’ai plus de faiblesse et sur lequel je dois travailler. Et ça, ça sera valable dans mon quotidien en tant que comptable, en tant que tout ce que comporte le métier d’un cabinet comptable. Et ça, moi, je trouve que c’est très intéressant de mettre à disposition des gens dans leur métier. Parce qu’en fait, tous les jours, en vrai, on apprend sans être forcément en formation. Et c’était ça qui était important pour moi, de leur dire, tant que vous n’avez pas compris comment votre cerveau fonctionne, comment vous voulez monter en compétence, performer ? Surtout que là, pour le coup, c’est des jeunes qui viennent d’être diplômés et ils ont encore tout à apprendre. Donc là, c’était intéressant de voir cette prise de conscience là, les faire travailler là-dessus. C’était une grande première pour eux. Vous imaginez que la métacognition, on n’apprend pas ça en titre de comptabilité. Et c’était très, pour le coup, performant parce que dès le lendemain, la posture était différente. Dès le lendemain, j’ai eu des feedbacks sur des choses sur lesquelles je n’ai jamais eu de feedback avec eux. J’étais en plein bilan comptable, ça tombait bien pour eux. Et là, je me rends compte en y allant qu’il y a eu une transformation de fait. Ça va prendre encore du temps, mais il s’est passé quelque chose dans leur tête, dans leur regard. Moi, j’ai senti ça et cette cohésion aussi de se dire, moi, si là-dessus, je ne suis pas bon, mon collègue, il est peut-être meilleur et je peux aller le voir, etc. Et on repart dans le collectif et dans un cercle vertueux.

— Laurie MÉZARD
J’aimerais faire un petit pas de côté et poser une question peut-être un petit peu perchée. Au-delà de la réflexivité, de la conscientisation de nos gestes professionnels pour les faire évoluer, est-ce qu’on ne pourrait pas aussi travailler la pleine présence ? Justement, le moment où on laisse de côté tous nos automatismes et nos croyances et où on est juste présent avec l’apprenant. Est-ce que ça, ce n’est pas un truc qui pourrait aussi aider les formateurs ?

— Raphaël GRASSET
Tu vois, par rapport à ce comportement, il y en a plusieurs où c’est hyper favorable à ça. où la pleine présence est purement favorable à la posture en fait. Par exemple la réception des émotions, l’acceptation des émotions, l’écoute de ce qui se passe, en fait le vécu. Parce qu’en fait la réception des émotions, ce qui se passe c’est quel est le vécu de l’apprenant tu vois. Quand on parle que le premier c’est prendre la perspective de l’apprenant, c’est ça aussi. La patience, c’est ça aussi. Souvent quand je manque de patience c’est parce que je suis pas présent, mon programme a terminé, je suis dans le rush, j’ai ça à faire, voilà. Mais si je suis là, je peux attendre tout le temps du monde que la personne comprenne, elle accède et tout. Donc ouais, complètement.

— Catherine MOUGIN
Et ça, malheureusement, aujourd’hui, c’est très compliqué de le faire parce qu’effectivement, il y a un programme, il y a un temps d’heure et il faut le faire. Et du coup, on n’est pas du tout là-dedans. Malheureusement, on ne nous donne pas la possibilité d’y être en tant que formateur. On dit oui, il y a un programme, il y a un programme, si tu ne le fais pas, ils vont prendre du retard au début. Puis après, on sait très bien que de toute façon, on ne voit pas la totalité du programme. Donc, sur des diplômes, des certificats, c’est un peu gênant. Soit le formateur croise les doigts pour qu’à un moment donné, il y a la lumière qui arrive et que ça fonctionne quand même. Et ça malheureusement, c’est lié aussi à notre réglementation, le côté strict un peu de la formation, ces couches de lois, d’obligations, qui contraint complètement le formateur. Et ce n’est pas en innovant marketingement que ça va aider, parce que l’apprentissage c’est du temps, et ce temps-là aujourd’hui, il est de plus en plus limité.

— Raphaël GRASSET
Et après, encore une fois, il faut trouver un équilibre. Parce que j’ai déjà vécu des sessions de formation où justement, les gens étaient des facilitateurs. Et en fait, c’était ouvert. On ouvre à ce qui advient de tout. Et au final, il n’y a pas assez de cadres. Et au final, on est quand même formateur. Donc, on doit quand même amener quelqu’un quelque part. Et c’est vrai que la posture de facilitation où on voit ce qui advient à tout va. et bien parfois la personne n’arrive pas à l’endroit où on voulait l’amener. Donc il faut réussir à trouver cet équilibre entre guider la personne et laisser advenir. Et ça, ça demande du temps.

— Laurie MÉZARD
Il y a une vraie tension là. Et notamment les apprenants, quand on veut leur donner confiance en eux, leur dire qu’ils vont devenir autonomes, qu’ils vont grandir en gros dans leurs apprentissages. Si à côté de ça, on est dans l’injonction de la performance, et du « ah ben non, on a un temps très limité pour la formation » . on passe aussi des mauvais messages aux apprenants. Donc la tension, elle se retrouve concrètement dans l’organisation, il faut aller quelque part, et en même temps, si on va trop quelque part, on envoie aussi le message aux apprenants qu’ils doivent forcément aller quelque part. Philosophiquement, il y a un truc qui ne marche pas trop.

— Raphaël GRASSET
C’est un équilibre.

— Catherine MOUGIN
Il faut peut-être que le formateur, il absorbe cet effet là et qu’il ne le diffuse pas, le diffuse le moins possible. C’est que lui, il sait qu’il a un programme. Lui, il a le droit d’être en stress, mais ça ne doit complètement pas se faire. C’est ça le plus dur. Parce qu’on les voit, les formateurs, sur leur montre, à regarder le temps qui passe. Et à mon avis, par moment, il faut se dire, tant pis, j’ai oublié ma montre et je gagnerai peut-être demain plus de temps. C’est aller un petit peu là-dessus en se disant, ben… Je me mets des objectifs peut-être un peu moins hauts. Et puis, c’est-à-dire qu’à la fin, de toute façon, ça ira forcément mieux si on arrive à prendre justement la bonne posture, avoir les bons motifs. Au début, c’est l’investissement. Et puis, à la fin, on y gagnera. Mais c’est valable dans tout.

— Raphaël GRASSET
Moi, je donne un exemple concret. Alors après, c’est moi qui ai fait mes programmes de formation. Donc, j’ai le droit d’en faire ce que je veux. Je ne suis pas obligé de suivre un programme qui m’a été imposé. Donc, j’ai aussi cette liberté. Mais récemment, j’ai donné une formation. En fait, c’était un peu packed, c’était chargé. Et en fait, on m’a fait un feedback comme ça et je me suis dit OK, d’accord. Et donc, il y avait trois activités en une heure. Et en fait, je me suis dit, la prochaine fois, je pourrais offrir le choix. C’est là où, par exemple, c’est un cas concret d’offrir le choix entre proposer aux stagiaires de découvrir trois activités ou alors d’en approfondir deux. C’est juste que dans mon design pédagogique, je peux le faire, mais de leur laisser le choix de dire, est-ce que vous voulez aller plus en profondeur et plus tranquille ? Quelle est votre énergie actuelle ? Donc là, tu vois aussi, c’est prendre conscience de la perspective de l’apprenant, où il en est, où, quelle heure il est, quel est votre niveau d’énergie, etc. Ou alors, est-ce que vous voulez foncer, découvrir plus de trucs ? Et donc ça, c’est un feedback que je me suis fait. Parce qu’on n’est pas parfaits, nous, on forme à la facilitation et à la formation, mais en même temps, on continue d’apprendre et d’avancer par nous-mêmes.

— Catherine MOUGIN
Et heureusement. Et c’est vrai que le fait de co-animer, c’est aussi nous aider et nous faire apprendre. C’est que moi, je vois ces programmes très chargés, et là je dit, Raphaël, attends, je là tu en as mis trop. Donc souvent, je t’en enlève un peu. Et là, j’ai animé toute seule dernièrement. J’ai réduit un petit peu la volure. J’ai laissé plus de temps. Et les gens ont besoin de temps pour échanger, pour discuter. J’ai trouvé que c’était tout aussi impactant pour eux.

— Nicolas LOZANCIC
Je suis le gardien du temps. Et je suis dans l’obligation de nous inviter à conclure. Un des slogans du Learning Show, c’est explorer le futur de la formation. Et on va se pencher pour les quelques cinq petites minutes qu’il nous reste sur le futur de la facilitation de la pratique de formation. Et peut-être que sous un angle qui est un petit peu à la mode, celui que tu as brièvement évoqué, Raphaël, tu as évoqué un peu l’intelligence artificielle. Est-ce qu’on peut essayer de se projeter dans une toute petite poignée d’années ? et d’essayer de voir quelle place pourrait occuper l’IA. Dans tout ça, par exemple, on l’utilise sur des expériences immersives. Catherine, je pense que tu es très bien placée. On peut très bien utiliser, ne serait-ce que des petits bracelets de sport qui vont capter un moment de tension, de stress qui apparaît et envoyer un signal qui, ce même signal étant transformé, peut-être créant à son tour une information, peut venir orienter, un choix, une décision que je prendrais.

— Raphaël GRASSET
Oui, alors là, il y a un truc qui s’appelle l’IA Act, qui rentre en vigueur l’année prochaine. Qui vas venir t’embêter un petit peu sur ces sujets là.

— Nicolas LOZANCIC
Mais dans l’absolu, est-ce que peut-être y a-t-il déjà des, non pas des réflexions, non pas des expérimentations, mais peut-être comme ça, des personnes qui commencent à s’imaginer des dispositifs qui verraient des technologies venir parfois compenser, arriver à faire l’équilibre ?

— Catherine MOUGIN
Alors… Moi, pour ma part, j’ai découvert quelque chose hier. Je ne vais pas citer le nom de la boîte, mais j’ai découvert tout l’intérêt de l’IA pour un formateur, justement pour lui faire gagner du temps sur des éléments où, finalement, Internet, la création de contenu aujourd’hui, les contenus en tant que tels, ce n’est pas une plus-value du formateur. À mon avis, sur Google, il y a déjà tout ce qu’il faut. Je rejoins un peu ce que disait Yannick il y a peut-être deux ans, trois ans, en arrière, qui disait « arrêtons » de créer des contenus parce qu’il y en a déjà tellement sur le marché, utilisons déjà ça pour gagner du temps sur d’autres choses. Et là, c’était donc une plateforme de formation Open Source, la plus connue au monde pour ne pas la cité, un Moodle Partner qui a intégré l’IA dedans, qui va structurer pédagogiquement, par rapport à la thématique, la plateforme, qui va créer le contenu qui va avec, et on rajoute derrière une autre IA qui va faire du H5P, des activités, etc. Du coup, le formateur au lieu, parce que c’est vraiment énormément de temps pour la partie digitale, d’aller créer des contenus de formation digitale. Alors, ça arrivera aussi avec les autres outils, je me dis, tout ce temps-là, qui va gagner à ne pas le faire, alors, peut-être que ça sera moins rigolo pour lui, ça, je l’entends, mais il va peut-être plus réfléchir à qui sont mes apprenants ? Quels motifs ils ont pour venir en formation ? Quelle posture je dois avoir ? Et ce sur quoi je dois me concentrer vraiment en tant que personne et non pas en tant que créateur de contenu. Et pour moi, ça change complètement la donne parce que la conception de contenu de formation, aujourd’hui, on lui demande de faire ça, même si à la base, ce n’est pas forcément le métier qu’il a choisi le formateur. Et aujourd’hui, tout ce travail là, il va être automatisé, entre guillemets. Lui, il aura un pouvoir de vérification parce qu’il faut garder l’humain là-dessus, mais c’est surtout la façon dont il va amener tout ça et sa posture qui va être essentielles à mon avis dans les années à venir. Parce que l’IA, elle est déjà là. Moi, je l’ai vu hier en avant-première et c’est au Learning Show, je vous invite à aller au village des exposants, et ça m’a bluffée, vraiment. C’est quelque chose que je maîtrise. Et c’est pareil sur l’immersif, on en est déjà là et je me dis demain, après-demain, des IA plus performantes, des contenus vraiment où c’est hyper de haut niveau, hyper chialé, je me dis le formateur va falloir qu’il trouve autre chose que ça. Et mon avis, Il a tout intérêt d’aller sur la posture, sur vraiment le relationnel, le contact, l’humain. Pour moi, c’est ça qui va, ça va retransformer tout ça. Faire retrouver sa place, tout simplement. Et laisser l’IA dans le monde des technos, à nous créer des choses et nous faciliter la vie, point barre. Sans diminuer la qualité des contenus. Ça va être ça le plus dur, ça sera peut-être ça pour l’IA.

— Raphaël GRASSET
Trop les homogénéiser.

— Catherine MOUGIN
Trop les homogénéiser, oui. Trouver le juste équilibre. Mais lui, pour apporter sa plus-value, sa touche plus facilement, avec moins de temps à tout chercher par lui-même. Il va mettre des exemples, il va aller un peu plus loin.

— Nicolas LOZANCIC
Je crois que le thème central du Learning Show de cette année consiste à vouloir replacer l’humain au centre. Là, on vient de le remettre plutôt à sa place. Et je crois que ça fait une bonne conclusion. Non ? Qu’est-ce que tu en penses, Laurie ?

— Laurie MÉZARD
Absolument. On va utiliser l’humain pour remettre de l’émotion à sa juste place comme on l’a encore dit.